Jour 67 + 2, Soir


Je suis arrivé en Espagne, en Catalunya, à Jaya & Gemma.  Mon voyage à vélo est terminé.

Ça m’a fait bizarre tous les derniers jours, d’être sur le point d’arriver.  Après plus de 2 mois, après tous ces kilomètres, toutes ces routes suivies, toute ces pluies, tout ces nuages, tout ce Soleil, tous ces gens croisés, rencontrés, après 67 jours, le coeur battant (le dernier kilomètre, haut dans la montagne, était la pente la plus abrupte que j’ai faite de tout mon voyage), d’arriver là vers où je me dirigeais….

Ça me fait bizarre de n’avoir plus un endroit vers lequel me diriger.  Je suis là, ici, et je ne vais pas nulle part.
Ça démotive presque, je me retrouve un peu sans savoir quoi faire…

Je continuerais jusqu’en Inde à vélo.  Ça ne me dérangerait pas trop, je crois.  Je ne sais pas.  Ça serait amusant.

En arrivant, j’ai revu, retrouvé bien des gens que je connaissais.

Je suis arrivé, mais je ne suis pas arrivé nulle part non plus.  Là je suis chez des amis, dans une petite caravane, leur maison est en totale reconstruction (l’intérieur à plus l’air d’être en démolition qu’autre chose), ils n’avaient même plus de toit sur la maison il y a quelques jours.  Ensuite je marcherai au Yatra espagnol, pendant une semaine, encore en dormant sous la tente.  Puis j’irai voir mes parents, qui seront en Espagne.  Et je retournerai en Allemagne à la mi-septembre.  Et à la mi ou fin octobre nous retournons en Inde, on ne sais pas encore trop où.
Donc je ne suis pas arrivé nulle part….

2500 km à vélo, ce n’est rien, dans le fond.  Qu’une étape, qu’un tronçon, qu’un petit bout de chemin.  Une petite section de ma vie.

Dans le fond, je suis bien, ici, maintenant, dans cette petite caravane, étendu sur le lit (en diagonale, je ne rentre pas tout droit).

C’est la fin, mais ce n’est pas la fin.

Et là je pourrais lancer une petite phrase style Zen, qui ne veut rien dire mais veut tout dire à la fois.

Mais, seul le bruit de ma respiration sait ce que j’ai à dire….

Jour 65 - Soir


J’ai traversé le col de Puymorens.  J’ai dormi hier au col, à 1940 m.  Il faisait un peu froid, mais ça allait, la météo m’était assez clémente.  Il a commencé à pleuvoir juste après que j’aie fini de faire cuire mon repas et durant la nuit.  Mais il pluviotait au matin et a plu ou pluvioté presque toute la journée.

Pour descendre du col je portais à peu près tout les vêtements que j’avais.  Il faisait frette, surtout avec la petite pluie, et descendre à 50 ou 60 km/h dans l’air froid sans faire aucun autre effort que de faire pédaler les jambes dans le vide, ça frigorifie.

Je suis parti dans un nuage, mais le nuage est passé et j’ai pu voir le restant du trajet.

Je cherchais un endroit oû dormir pour ce soir avant le prochain col, la Collada de Tosas, je ne voulais pas débuter la route du col aujourd’hui (il était passé 16h00, j’étais à 1100 m), mais je n’ai rien trouvé.  Il pleuvait encore, la route du col commençait, puis il pleuvait avec un gros Soleil très fort (ce qui faisait que j’étais vraiment totalement trempé sous mes habits imperméables), et puis la pluie a arrêté et le Soleil est resté.  C’est une route complètement à flanc de montagne, sans un seul petit morceau d’espace plat autour.  La route grimpe simplement la montagne, en serpentant sur 22 km pour monter 700 mètres jusqu’au col.  Donc j’ai continué de rouler.  J’ai fait la moitié du chemin jusqu’au col avant de trouver un endroit pour y mettre ma tente, mais ça ne m’a pas vraiment dérangé.  J’aurais pu continuer jusqu’au col si je n’avais rien trouvé, il n’y avait que l’heure qui avançait et la température qui baissait avec l’altitude qui montait et le Soleil qui descendait.
C’est un superbe endroit, un promontoire qu’on voit de loin, coincé entre la route et le flanc de montagne abrupt, avec une ruine de maison et un pylône électrique dessus.  Un endroit vraiment parfait, quoi que assez exposé aux vents (évidemment!).
Les voitures voient une tente bleue de loin, perchée à peu près au seul endroit possible, à côté d’un vélo dressé portant un drapeau blanc s’agitant au vent, presque comme un signe de victoire.

J’ai eu droit à un beau coucher de Soleil, la couleur changeant doucement, ou plutôt s’atténuant tranquillement, comme un feu qui s’éteint.  Le Soleil s’est couché à peu près à la même hauteur que moi.

Avant de prendre la route du col j’ai fait des provisions de nourriture, car il n’y a rien sur presque 50 km.  J’ai acheté plus d’un kilo de fromage (au total, en 5 variétés différentes, pour aujourd’hui et demain), du pain, du jus et du chocolat.  Pour l’eau j’espère qu’il y aura des sources ou quelque chose.

Demain j’arrive à Ripoll.  Mon voyage s’achève.

Bon, la pluie qui recommence.  La nuit sera probablement assez fraîche.  Je suis à plus de 1500m d’altitude.  Pour demain, le col est à 1800 m et je redescends ensuite à 660 m.

Jour 63 - Soir


Je suis dans les Pyrénées, en train d’attaquer le dernier obstacle avant d’arriver en Espagne:  2 cols, le premier à 1940 m (le col de Puymorens) et le 2e à 1800 m (la Collada de Tosas) séparés par une vallée descendant à 1100 m.
Je suis présentement à 1085 m, après être passé par 375 m ce matin.

Il faisait un temps gris et a plu et pluvioté vers la fin de la journée (ça faisait longtemps que ce n’était pas arrivé), ça a rendu les choses un peu moins aisées.  Il commence à faire un peu plus froid avec l’altitude (mes doigts sont un peu engourdis sur mon clavier dans ma tente).  Il a arrêté de pleuvoir après que j’aie monté la tente tout à l’heure, ce qui m’a permis de manger au sec et de ne pas avoir froid.  J’espère qu’il fera un peu plus beau prochainement pour passer les cols car ça rend les choses plus difficile si je suis mouillé ou humide plusieurs jours de suite sans pouvoir me sécher et sécher mes choses, surtout en haute altitude….

Je suis passé par Lourdes dans la dernière semaine.  C’était bien intéressant.

La première impression que j’ai eu des sanctuaires de Lourdes est que ça ressemble au château de Walt Disney.  (Grossièrement, le même style de château, avec une foule de gens - touristo-pèlerins - se promenant devant et partout autour.)  Mais, en regardant bien, il n’y avait pas de ballons ni de Mickey Mouse, ce n’était pas Disney World.

Lourdes (ou Notre-Dame-de-Lourdes) est un lieu de pèlerinage des plus importants en France (et peut-être en Europe, avec Fatima), là où a eu lieu des apparitions de la Vierge Marie à la jeune Bernadette Soubirous en 1858.  Un grand nombre de guérisons miraculeuses et miracles se sont également produits là-bas, si bien qu’il y a maintenant quelque chose comme un bureau d’attestation ou d’enregistrement des guérisons.  Des milliers de malades ou d’handicapés (ou plutôt presque des millions - la petite ville de 15 000 habitants reçoit 5 millions de visiteurs par année) y viennent.

Il y a une procession de malades à chaque jour à 17h00.  C’est assez impressionnant à voir.  Et il y a une quantité incroyable de gens qui viennent à Lourdes pour aider et assister les malades.  Ça c’est encore presque plus impressionnant.

C’est un endroit très fort, Lourdes.  Beaucoup de touristes, oui, et un aspect commercial indéniable (avec la fourmilière de magasins à touristes vendant des statues de la Vierge en plastique, de petits contenants pour rapporter de l’eau de la grotte et plein d’autres cossins - mais pas pire que Jérusalem, dans le fond, alors ça ne m’a même pas dérangé, c’est simplement la même ambiance de site chrétien-touristique), mais tout de même en endroit très fort et qui vaut la peine d’y être.

Les endroits (généralement à connotation spirituelle) où un grand nombre de gens se rendent par dévotion ont souvent quelque chose de très puissant.  Si ce n’est pas l’endroit qui, en lui-même, à une énerge très forte, ce sont tous les gens qui s’y rendent lui induisent cette force.

Je n’ai aucun doute que ces miracles et ces guérisons de Lourdes se sont bel et bien produits.

À propos de l’eau de la grotte (qui a rendu la vue à nombre d’aveugles et a guéri quantité d’autres malades divers), Bernadette disait: "Ce n’est pas la quantité qui compte, mais surtout la foi et la prière.".

Il y a 2 choses que je vois là-dedans :  Une partie provenant du malade lui/elle-même (la foi, la prière, la dévotion, qui sont extrêmement puissants - et ces derniers mots ne sont pas à sous-estimer) et une autre partie extérieure, un catalyseurs, peut-être, (l’eau de la grotte, ou le contact avec l’atmosphère, l’ambiance, l’énergie de Lourdes).

Je ne sens toujours pas de connexion importante avec la christianisme en général, ni avec le catholicisme qui est la religion du milieu d’où je viens (et peut-être même toujours une certaine aversion, en fait, envers le vocabulaire utilisé, la façon de présenter les choses comme si la vision du monde de la chrétienté était la seule valable au monde et qu’il n’y avait rien en-dehors de cela), mais j’ai une connexion avec ceux qui vivent leur spiritualité, quelle qu’elle soit, de façon ouverte en acceptance et en tolérance de celle des autres.
Les chrétiens sont bien minoritaires sur cette planète.  Il y a des personnes sages (et beaucoup plus sages que la majorité des chrétiens!) qui existent en-dehors du monde chrétien (dans d’autres religions, par exemple) ou qui ont déjà existé en dehors du monde chrétien (avant l’an 1, par exemple) et qui expriment (ou exprimaient) leur sagesse, leur amour de Dieu ou leur compréhension profonde de Dieu (ou de la non-existence d’un "Dieu", selon les terminologies propre au contexte religio-culturel, i.e. le Bouddhisme) avec un autre ensemble lexical que celui utilisé par les Chrétiens (dont l’ensemble lexical est centré autour de "Jésus Christ", "Dieu", "le Saint-Esprit", etc.).  Il y a des gens qui connaissent Dieu dans la chrétienté et il y a également des gens qui connaissent Dieu dans le monde non-chrétien.  Et ce ne sont pas toujours les Chrétiens qui le connaissent le mieux!

Il y a une chose, par contre, dont il me semble que le clergé chrétien aurait dû se rendre compte depuis longtemps:  Leurs rituels sont très souvent incroyablement ennuyants!  (Même à Lourdes, où les pèlerins viennent volontairement, j’entendais les jeunes parler de leur effroi (de leur ennui) lorsque le prêtre aller répéter une nouvelle fois ce qu’il venait de dire, et à la procession aux flambeaux où des dizaines de milliers de personnes étaient, facilement le tiers des gens ont quitté avant la fin de la célébration qui s’éternisait).  Je suis capable de rester assis assez longtemps sans bouger, en silence, d’être très confortable et de ne pas m’ennuyer du tout, mais assister à une messe ou à une célébration chrétienne est généralement pour moi d’une ennuyosité extrême et demande un effort considérable!  Et les bancs d’église qui sont pratiquement méthodiquement créés de façon à être inconfortables!  Comme s’il fallait souffrir pour entrer en contact avec Dieu!  Quelle idée ridicule…  (La douleur ou la souffrance est probablement un des multiples chemins qui mènent à Dieu, mais pas nécessairement le meilleur, le plus direct, ni le plus agréable!)

La béquille de mon vélo s’est brisée (pas trop étonnant avec le poids sur mon vélo) donc, contrairement à tout ces gens qui y laissent les leurs, moi je me suis acheté une béquille à Lourdes!  (J’ai l’habitude de ne pas faire comme tout le monde, on dirait….)

Jour 52 - Soir


J’ai traversé le méridien 0 aujourd’hui (le méridien de Greenwich).  Pas que cela ait nécessairement une grande importance, mais je l’ai tout de même remarqué….
(Je suis parti du 12e méridien est.  Si je voulais faire le tour de la Terre à vélo, j’aurais fait le trentième (12/360 = 1/30) de sa circonférence.

Jour 51 - Soir


J’ai repris la route.  Là, j’attend que mon GPS me donne des coordonnées pour pouvoir aller me coucher.

Il y a 2 semaines, à la journée après avoir quitté Taizé, j’ai pris le train pour arriver au Dharma Yatra.  Il me restait encore 400 km à faire avant d’y arriver et le Yatra (d’une durée de 2 semaines) était déjà commencé depuis 6 jours.  J’avais prévu être là au moins une semaine à l’avance pour aider à l’organisation!

J’ai donc pris un raccourci en train.  En fait, il m’a fallu 5 trains, en 2 jours, pour me rendre à proximité du Yatra.  Et la majorité des trains en France sont particulièrement inadaptés pour les vélos, surtout lorsqu’ils sont chargés de bagagges.  Le plancher de la cabine des wagons de train est à la hauteur de la poitrine, il n’y a pas de rampes et les portes sont étroites.  Par contre, les controlleurs de train et gens des stations étaient très sympathiques.  On m’a même invité à aller voir la cabine du conducteur du train.

J’ai passé environ une semaine de plus à Moulin de Chaves (anciennement Tapovan), là où le Yatra se terminait.  Et maintenant je continute ma route.  Puisque j’ai fait un saut en train, il y a environ 500 km d’ici à Ripoll, en Catalogne, près de l’espéré futur Open Centre, si je vais en ligne droite.  Il me reste 820 km à faire sur mon 2500 km annoncés, donc il ne faut pas que j’aille en ligne droite.  Il faut que je trouve d’autres endroits où aller qui ne sont pas trop sur mon chemin.
Je vais donc voir des professeurs de méditation près de Bordeaux, Stephen et Martine Batchelor, que je n’ai jamais rencontrés.  Ensuite, j’irai peut-être à Lourdes.  Ça faisait un certain temps que je voulais aller à Lourdes et, cela tombe bien, ce n’est pas trop sur mon chemin.  Mais cela signifierait ensuite beaucoup plus de montagnes, longer les Pyrénées de très proche pour un bon bout de temps au lieu de simplement les franchir en ligne droite.  Je verrai dans les prochains jours…